On pourrait croire que les voyages d’une ville à l’autre, lors de notre périple au Pérou sont inintéressants, comme peuvent l’être un voyage vers la côte belge, le domaine de Chevetogne ou la côte d’Azur. Que nenni ! Le voyage, et plus particulièrement le voyage en bus, c’est une aventure en soi au Pérou. Et nous ne serions pas complets si nous ne parlions que des villes et excursions, et pas de cette expérience.

La réservation

Tout d’abord, réserver son voyage, ce n’est pas comme en Belgique.

Si on prend une compagnie qui fait des voyages en grand car de luxe (avec siège inclinables, parfois avec écrans individuels, …), on peut alors réserver sur internet, un peu comme chez nous (comme flixbus ou autre). Mais une fois sur trois (d’après nos propres statistiques), le site internet ne fonctionne pas. Il faut donc croiser les doigts pour que, au moment où on prend le bus, il reste des places… Heureusement pour nous, c’était le cas cette fois-là.

Si on prend un minibus, chose la plus logique pour les trajets de moins d’une nuit, alors c’est autre chose. Déjà, on ne connait pas les entreprises qui font les trajets recherchés – ça ne se trouve pas sur internet. Tout au plus, dans notre guide est indiqué sur la carte une rue avec la légende « mini-bus vers Andahuaylas », par exemple. Nous y sommes donc allés, pour réserver notre voyage. Et nous avons été assaillis par quatre vendeurs, de quatre entreprises différentes, toutes situées dans cette même rue, pour nous proposer le voyage. Ce n’est pas un terminal, c’est simplement une rue, où il y a quatre garages dans lesquels sont garés des minibus pour Andahuaylas. Lors de notre trajet vers Ayacucho, on nous avait dit « allez à San Clemente, c’est de là que partent les minibus pour Ayacucho ». San Clemente est une ville, à côté de Paracas (où nous étions). Et en effet, quand on a demandé au taxi de nous amener au terminal de minibus, il nous a amenés à San Clemente, qu’il ne connaissait pas (ou peu), et il a demandé aux gens en rue où étaient les minibus pour Ayacucho. À nouveau, c’était en fait trois garages avec des minibus qui attendaient pour partir.

Il faut donc avoir confiance, avoir la foi, qu’il y aura bien un minibus qui ira vers où on veut aller, quand on veut y aller. Jusqu’à présent, ça marche.

La flexibilité

Ce type de voyage a aussi un avantage, c’est la flexibilité. Comme nous étions dans cette fameuse « rue des minibus », nous avions le choix. Nous avons donc choisi la seule entreprise qui a un minibus dont les fenêtres à l’arrière peuvent s’ouvrir. Et nous avons demandé de partir à 11h au lieu de 12h et de passer nous prendre à notre hostal car ça nous évitait de porter tous nos bagages sur les trois cuadras (les pâtés de maison des villes coloniales) qui nous séparaient du lieu de départ. Et tout ça ne posait pas de problèmes.

Et en effet, le lendemain, le bus était là, (quasiment) à l’heure dite. Le chauffeur est vite monté sur son toit et a attaché tous nos bagages avant de démarrer.

La flexibilité, c’est aussi un passager qui annonce, avant un tournant, qu’il s’arrête là. Et quand le siège est vide, le chauffeur s’arrêtera dès que quelqu’un au bord de la route lève la main pour monter. Et c’est vraiment surprenant de voir où les gens montent et descendent. Aujourd’hui, nous avons pris une femme qui attendait sur le bord de la route, au beau milieu d’un plateau andin. Pas une ville à des kilomètres à la ronde. Et en fait, elle avait probablement sa maison en contrebas de la route. Un autre monsieur est descendu, de même, au milieu de rien, vraiment en rase campagne. Il avait sans doute sa maison derrière un rocher à quelques centaines de mètres. Je me demande encore combien de temps ces gens attendent un minibus, quand ils quittent leur maison pour aller à la ville. Et s’ils en ont toujours un…

Mais par contre, je ne sais comment, ces gens savent toujours où va le bus. Alors, au milieu d’un plateau andin, ça va : il n’y a qu’une route et elle va à la ville suivante. Mais parfois, en pleine ville, des gens montent en sachant visiblement où va ce bus. Alors qu’il n’y a rien d’indiqué sur le bus. Nous qui sommes habitués aux lignes de bus bien numérotées, avec un trajet très précis, voir des horaires et une application qui trace la position des bus en temps réel… Ça fait une sacrée différence.

L’ambiance

L’ambiance dans ces bus est aussi une expérience. Tout d’abord, il y a la musique péruvienne non-stop. On ne comprend pas tout, mais les mots mi amor, mi corazon, no puedo vivir sin ti, ou estoy muriendo reviennent tout le temps. Ça donne une idée du genre 🙂

Ensuite, il y a la religion. Non pas que tout le monde soit en silence religieux, mais tous les bus ont toujours au moins quelque chose de religieux : un crucifix ou un image pieuse qui pend au rétro (voire les deux) ou, souvent, des messages religieux sur le pare-brise avant ou arrière (genre « Jesus es el Camino, la Verdad y la Vida » ou « Dios es amor« ). La religion catholique est clairement très présente dans la vie des gens ici, et de manière très visible.

Et puis, il y a la décontraction. Le chauffeur, il s’arrête quand il veut. Aujourd’hui (notre trajet vers Andahuaylas), il s’est arrêté pour acheter une nouvelle roue de secours et quand il a fait le plein, il parlait aux pompistes (oui, ici, il y a encore des pompistes) comme si c’était ses potes. Un autre arrêt dans une petite ville et c’est toute une compagnie de vendeuses qui nous proposent des choclos cuits, des boissons ou des gélatines. Et le chauffeur de repartir avec son choclo con queso qu’il mange au volant sur les kilomètres suivants.

Par contre, pas d’arrêt pipi sur les 5h de trajet aujourd’hui ! Heureusement qu’on a des enfants avec de grandes vessies ! À quatre ans, ce n’est pas évident, et pourtant, ça a été !

L’ambiance aujourd’hui a été sublimée par le fait que notre chauffeur avait tout des traits d’un inca, tel que je me l’imagine (avec mon imagination biaisée par « Tintin et le temple du soleil » – voyez l’image ici) : basané (évidemment), légèrement imberbe, avec un nez aquilin, des petits yeux bruns très nets, des oreilles légèrement pointues et des pommettes saillantes. C’est peut-être mon imagination, mais ça rajoutait à l’ambiance !

Le décor

C’est une part importante de l’expérience. Évidemment, avec les bus de nuit, on ne voit rien, mais avec les minibus, le décor et la découverte en valent la peine ! Des paysages à couper le souffle, des routes qui serpentent dans la montagne, des trajets sur les hauts plateaux andins. Et on y voit plein de vie : des alpagas, des vigognes (on en a vu plein, alors qu’elles sont menacées d’extinction), des caracaras des montagnes, des Puya Raimondi (une plante tout-à-fait bizarre, qui mesure jusqu’à 10 mètres, qui ne fleurit qu’une fois avant de mourir, sachant que la plante met jusqu’à 100 ans pour arriver à maturité), des troupeaux de vaches, de moutons, de chèvres…

Les codes

Le système de transport en minibus péruvien a ses propres codes, que nous, pauvres touristes, ne pouvons pas saisir. Je vous ai déjà parlé des gens qui savent où va le bus, alors que pour nous, on ne saurait rien si on n’avait pas réservé à l’avance.

Mais il y a aussi des codes entre chauffeurs. Quand on croise un autre minibus, il y a presque toujours un signe, souvent différent. Parfois, c’est une main par la fenêtre, parfois c’est agiter la main avec le pouce et l’auriculaire levés, parfois ce sont des appels de phares. Et je pense que ça vaut vraiment dire quelque chose. J’en veux pour preuve que le chauffeur remettait son masque (le masque est toujours obligatoire partout au Pérou #covid19) de manière systématique avant d’arriver à un contrôle de police, alors que celui-ci était caché derrière un coin.

La conduite

La conduite ici est un autre concept que chez nous. À aucun moment, nous ne nous sommes sentis en danger, et pourtant, une conduite à la péruvienne serait un vrai danger en Belgique. Les règles sont tacites mais le résultat est une circulation très fluide… guidée par le klaxon. Rarement avons-nous entendu autant de klaxons, sauf peut-être au Népal.

Alors que chez nous le klaxon est généralement perçu comme un signe de colère agressive, ici, le klaxon sert à beaucoup de choses. Il peut avoir différentes significations (liste non-exhaustive) :

  • « Attention, piéton/vache/cochon/chien/alpaga, je passe et tu es sur ma route. Écarte-toi. »
  • « Attention, j’ai priorité à ce carrefour, et je compte bien la prendre. »
  • « Attention, je n’ai peut-être pas priorité à ce carrefour, mais je vais quand même la prendre. »
  • « Attention, je voudrais te dépasser, peux-tu te mettre sur la droite ? »
  • « Attention, je suis occupé à te dépasser, pousse-toi sur la droite ! »
  • « Attention, devant, ne freine pas, je suis derrière toi. »
  • « Attention, tout le monde, je vais freiner/tourner à droite/tourner à gauche/dépasser. »
  • « Attention, je suis derrière le coin, je ne te vois pas mais j’arrive. »
  • « Salut piéton, je suis un bus qui va à Andahuaylas, tu veux monter ? »
  • « Salut touriste, tu as un besoin d’un taxi ? »
  • « Salut, collègue. »
  • …et probablement plein d’autres choses que nous n’avons pas encore découvertes.

Et ce « trafic par klaxon » fait que, en montagne, on peut dépasser quelqu’un dans un virage. Et s’il y a quelqu’un qui arrive en face, on freine et on se remet derrière celui qu’on voulait dépasser. Ou bien on pousse un peu (à coup de klaxon) et on passe à trois de front. Ou bien celui qui le peut empiète sur le bas-côté. Et tout le monde trouve cela normal, et ne râle pas.

En ville (à Lima par exemple), c’est un chaos fluide et le concept de bande de circulation reste très abstrait. De même que le concept de distance de sécurité. Et pourtant, ça marche.

La qualité

Après vous avoir raconté tout cela, vous devez vous imaginer ce voyage avec des bus bringuebalants et poussiéreux roulant sur une piste chaotique et pleine de trous. Et bien pas du tout. Les minibus sont plutôt chics et modernes ; on roule en Renault ou Toyota qui ont généralement moins de 2 ou 3 ans (celui d’aujourd’hui avait même des prises USB pour charger son téléphone).

Quant aux routes, elles sont en grande majorité meilleures que chez nous. Les routes principales, reliant les grandes villes, sont en très bon état. Évidemment, avec une température oscillant entre 5 et 25°C toute l’année, elles ne se dégradent pas vite. Par contre, elles ne sont pas à l’abri d’un éboulement ou d’un effondrement. Et à certaines endroits, le bon macadam est remplacé par une piste en cailloux sur une cinquantaine de mètres. Pourquoi ? Mystère. Mais pour le reste, c’est très très bien maintenu.

Une mention également pour les casse-vitesses. Dans chaque zona urbana et chaque ville, la route se parsème de casse-vitesse tous les 50m. Et pas des petits casse-vitesses. Les vrais casse-vitesses devant lesquels il faut s’arrêter avant de monter dessus. Ceux qu’on aborde de préférence de biais. Ceux qui détruisent les amortisseurs (et la tête des grands passagers) si on les prend à plus de 5km/h.

L’altitude

Le seul gros point noir de ces voyages reste l’altitude qui, combinée aux virages de montagne, à la chaleur et au manque d’air dans le bus, fait des ravages. Nous avons tous déjà souffert dans ces bus et nous ne savons pas encore que choisir entre des bus de nuit, où on dort mal et peu, mais c’est calme, ou bien des minibus de jour, où l’on souffre mais on a de beaux paysages.

Ce qui est sûr, c’est que les touristes comme nous ne sommes pas les seuls à souffrir de ces voyages. Le chauffeur lui-même mâche des feuilles de coca en conduisant ; tous les minibus ont des sacs en plastique accessibles rapidement (c’est dire si les malades sont fréquents) ; et de l’aveu même de péruviens, ils en souffrent aussi.

Sur les quelques fois que nous avons pris des minibus, en tout cas, on a souffert : tous les enfants ont déjà vomi au moins une fois ; moi je me suis quasiment évanoui une fois ; j’ai toujours un peu mal à la tête ; Lucie est toujours à moitié endormie… Et on en sort tous toujours épuisés. Les changements rapides d’altitude (aussi bien en montant qu’en descendant) et les lacets sont vraiment éprouvants pour le corps !

Aujourd’hui, nos meilleurs conseils pour éviter d’être malade sont les suivants :

  • Éviter les places à l’arrière. Ce sont celles où on sent le plus les casse-vitesses, à cause de l’effet de levier (on est derrière la roue arrière). Et en plus, on voit mal.
  • Trouver un minibus avec des fenêtres afin d’avoir de l’air frais. Et choisir les bonnes places pour être en position de force pour réguler son débit.
  • Prendre des pastillas de coca, un complément alimentaire avec des feuilles de coca et de muña, poudre de guarana et gingembre et un peu de caféine. On a trouvé la marque Alti Vita qui en produit. Ce qui est bien, c’est que les enfants peuvent en prendre une demi portion aussi (sauf Margaux qui est trop petite).
  • Prendre des feuilles de coca séchées à mâcher. Seulement pour les adultes.
  • Prendre des caramelos de coca. Ce sont des petits bonbons sucrés contenant un peu de coca que la propriétaire de notre dernier hospedaje nous a fait découvrir. Ça a clairement marché pour Lucie.
  • Arriver au départ du bus avec le ventre léger. Pas vide, mais léger. La digestion est très fortement ralentie en altitude et donc une digestion déjà bien entamée avant le départ est appréciable. Ne pas partir à 08h du matin après le petit déj, mais plutôt 11h. Et ne pas prendre du riz au lait trop sucré. Cas vécu qui a débouché sur deux enfants qui vomissent.
  • Se nourrir très peu durant le trajet, et, à nouveau très léger : biscuits secs, fruits secs, pommes.
  • Prévoir des sacs plastiques et les tenir à portée de mains. Ainsi que des lingettes pour nettoyer. Parce que les enfants ne visent pas bien. Ou ne préviennent pas que ça va sortir 😉

Conclusion

Malgré que ces voyages soient vraiment éprouvants, ils restent une expérience incroyable que nous n’oublierons jamais. Ça fait partie de notre voyage et de ce qu’on aura appris et vécu ensemble.

Merci de ne pas partager cet article sur les réseaux sociaux. Si vous souhaitez en parler à quelqu'un, prenez le temps de lui en parler ou de lui écrire un email. 😋