Le voyage : pas facile tous les jours

Notre séjour dans la jungle a commencé, pour moi, et pour notre Élinette, par une sacrée épreuve. Notre pauvre chérie a été malade pendant tout le trajet. Pas juste un peu malade, non, très fort, avec nausées et vomissements. Au départ, j’ai cru que c’était le mal du voyage, auquel Éline est assez sensible. Mais après quelques heures, c’était trop fort, ce devait être autre chose. Finalement, nous avons compris qu’Éline avait une grosse indigestion, probablement à cause de quelque chose de mauvais qu’elle a mangé la veille. Une indigestion canon du genre de celle que Nico a eue à Huaraz.

Imaginez-vous être super mal comme ça et devoir supporter les lacets d’une longue route d’une journée, en descente vers la jungle. J’avais tellement mal au cœur pour Éline et je me sentais tellement impuissante. Elle me disait qu’elle préférait mourir que de continuer le trajet. Mais on n’avait pas le choix. Nous étions dans un minibus avec trois autres touristes, notre guide, un chauffeur et une cuisinière et faire demi-tour, ou s’arrêter en chemin, n’était pas une option. Alors on a continué.

J’ai été touchée par la bienveillance des autres occupants du minibus. Surtout Guillermina, notre « chef coq », une gentille mama péruvienne bourrée d’amour. Notre guide Marco aussi, et Michael, un touriste américain, et Sarah, son amie, nous ont proposé toutes sortes de remèdes, de solutions, pour tenter d’aider Éline : de l’alcool à respirer, une lotion aux plantes à respirer, du coca cola à boire, un médicament anti-nausées du voyage et même un puff contre l’asthme. Mais Éline refusait tout. Les odeurs lui donnaient encore plus la nausée. Le chauffeur, lui, s’arrêtait net dès que je le lui demandais.

Ce trajet m’a semblé sans fin. « Courage, ma chérie, courage, on va finir par arriver au lodge, tu vas pouvoir te coucher ». Éline a été super courageuse, j’ai envie de le mentionner. On y est arrivés, à ce lodge. Elle allait déjà un peu mieux. Elle avait retrouvé un timide sourire qui faisait grand plaisir à nos co-voyageurs. Marco lui a préparé une tisane de muña, une plante qui aide à remettre sur pied le système digestif, et Guillermina lui a préparé un caldo de gallina (un bouillon de poulet). Combinées à une bonne nuit de sommeil, toutes ces petites attentions ont permis à notre chérie d’être sur pied le lendemain matin trèèèès tôt.

Petit déjeuner à 5h30 (ils sont fous ces péruviens). Éline dormait encore et on comptait la laisser dormir aussi longtemps qu’elle voulait. Nous allions partir à pied à 6h et elle allait nous rejoindre avec le minibus. En fait, ce n’est pas complètement fou de se lever si tôt dans la jungle : les animaux sont le plus actifs tôt le matin, juste après le lever du soleil. Marco nous a dit au petit déjeuner que nous allions commencer par le jardin des colibris, un endroit où on leur a mis des mangeoires et où on peut les observer de tout près. Sachant que le colibri est un des deux animaux préférés d’Éline (avec l’écureuil), on ne pouvait pas ne pas lui laisser le choix de nous accompagner. Nico a donc laissé son petit déjeuner là et il est allé réveiller Éline en douceur, lui disant qu’elle pouvait tout à fait choisir de se rendormir. Elle a choisi de nous accompagner. Elle était encore fatiguée, mais son ventre allait nettement mieux. Qu’est-ce que j’étais contente pour elle !

Dépaysement

Après quelques semaines dans la sierra, les montagnes andines, quel dépaysement d’arriver dans la jungle, la selva !!! Chaleur, humidité et luxuriance de la végétation et de la vie. J’ai noté dans mon carnet de voyage : « Ici, il y a la vie dans la vie dans la vie dans la vie dans la vie dans la vie… » Je pourrais continuer la phrase à l’infini. C’est subjuguant comme il y a de la vie partout et sous toutes les formes : allant de la plus minuscule fourmi, qui vit de végétaux, aux palmiers de dizaines de mètres de haut, qui dépendent des fourmis pour être protégés contre les plantes parasites.

Non seulement il y a des millions de formes et de couleurs de vie, mais en plus elles interagissent sans arrêt et sont interdépendantes. Les animaux sèment les graines des arbres en mangeant leurs fruits. Certaines fourmis cultivent des champignons dans leur nid pour avoir de la nourriture pendant la saison des pluies, quand elles ne peuvent plus sortir. Des plantes grimpent sur des arbres et se nourrissent de leur sève, les tuant à petit feu. D’autres plantes s’accrochent aux arbres sans leur faire aucun mal. Une espèce de palmier produit des racines aériennes pour se déplacer et chercher la lumière. Et ces racines aériennes forment une sorte de cage dans laquelle le petit gibier comme les capibaras et les pécaris trouvent refuge quand ils sont poursuivis par un jaguar.

La vie dans la jungle est dure aussi. Les toucans font un trou dans les nids suspendus des oropendolas pour aller chiper et manger leurs poussins ou leurs œufs. « Oh noooon ! » s’écrient nos louloutes en cœur. « Pauvres petits poussins ! » Et le toucan ? Il a le droit de manger aussi, lui, non ? Difficile d’accepter que la vie implique aussi la mort. Surtout quand la mort est celle d’un être mignon.

Moustiques

Vous constaterez peut-être avec étonnement que nous portons des pantalons et des manches longues sur les photos. Il faisait très, très chaud ; nous étions moites tout le temps. Car il faisait chaud et en même temps humide. Alors oui, les manches longues n’étaient pas les bienvenues. Sauf qu’il y a dans la jungle des moustiques (dit-on) et même la malaria. Donc en plus des manches longues, on s’est aspergés d’anti-moustiques sur toutes les parties qui dépassaient encore : cou, mains, poignets, chevilles. Alors soit l’anti-moustiques fonctionne à merveille, soit tous les moustiques étaient partis en vacances pendant notre séjour. Je n’en ai pas vu un seul.

Je m’attendais à bien pire après l’assaut des mini mouchettes humanovores du trek de Choquequirao, et celles du Machu Picchu. Ce sont de minuscules mouches noires, de la taille des drosophiles qui traînent sur les fruits trop murs, en été, en Belgique. Elles nous ont littéralement bouffés. Sales bêtes. Et l’anti-moustiques ne les écartait pas à 100%.

Par contre, le côté positif des moustiques (et de la chaleur), ce sont les moustiquaires. Pas de vitres aux fenêtres des lodges où nous avons logé. Uniquement des moustiquaires. Ce qui signifie que l’air passe, ainsi que tous les bruits de la jungle et celui de la pluie. Un réel plaisir !

L’aube

On s’est levés très tôt presque tous les jours. 5h, 5h, 7h, et 4h. Dur dur pour nous qui n’y sommes pas habitués. D’ailleurs, on a eu besoin de plusieurs jours après à Cuzco pour se remettre de cette aventure. Plusieurs jours pendant lesquels on n’a rien fait d’autre que rester à l’appart et faire une course ou l’autre. On n’a même pas eu le courage d’aller visiter le magnifique site inca de Sacsayhuaman, à deux pas de l’appart, ni d’aller dire bonjour aux amis d’Olivier et Selene (mon frère et ma belle-sœur) à une heure de minibus.

Et en même temps… Il y a un trésor caché dans le fait de se lever très tôt. Personnellement, j’ai adoré l’expérience. Me lever 10-15 minutes avant Nico et les enfants. Sortir dans la fraîcheur du matin. Voir le ciel aux couleurs pastel encore empli de brumes, entendre les oiseaux chanter et pousser leurs cris exotiques. Prendre une douche froide. Ça me réveille l’âme et l’intérieur du corps, ça me donne un coup de foudre de vie, quand je prends une douche froide. C’est extrêmement agréable. Pourtant, en Belgique, quand j’ai le choix de prendre une douche chaude, je ne prends que très rarement une froide.

Silence et contemplation

On n’y a passé que quatre jours, dans cette jungle. Quatre jours dans une minuscule partie. Je sens que j’aurais pu passer ces quatre jours exactement à un seul et unique endroit, assise, à observer tout ce qui vit. J’aurais pu, je n’en aurais pas eu marre, et je n’aurais eu qu’un infime aperçu de tout ce qui se trame. Je n’ai rien vu de la jungle, je m’en rends bien compte, et en même temps quelque chose en moi a été touché. Je pourrai y retourner. Retrouver toute cette vie foisonnante quand j’en aurai besoin. C’est difficile à décrire, difficile à dessiner, mais je « sens » quelque chose de la jungle, que je suis capable de réveiller en moi.

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