Le fameux lac Titicaca… Le plus haut lac navigable (par des navires de grande taille) du monde, grand comme un quart de la Belgique. Qu’est-ce qu’on l’a regardé, sur la grande carte d’Amérique du Sud affichée dans notre salle à manger à Braine-l’Alleud. Je ne savais pas trop comment me l’imaginer en vrai. Eh bien, il est beau ! Étonnamment bleu. Je l’imaginais plutôt gris. Par contre, très malheureusement, ses abords du côté de la ville de Puno sont fort pollués par l’humain.
Puno
Quand nous sommes arrivés à Puno, la plus grande ville péruvienne en bord de lac, il y avait un vent frais. Nous avons tous les cinq eu l’impression d’être à la mer, à la côte belge. De tout notre séjour au bord du lac, je n’ai pas pu me défaire de l’impression d’être au bord d’une mer, à 0m d’altitude, alors que le lac Titicaca se situe à 3812m. On est bien adaptés à l’altitude maintenant, on ne la sent plus (frime frime).
Puno n’est, esthétiquement et architecturalement parlant, pas une ville très intéressante. Elle l’est quand même, à mes yeux, tellement elle est différente de chez nous (comme toutes les villes ici d’ailleurs). J’aime me confronter au différent et au nouveau. J’adore l’animation des quartiers non touristiques, où on croise piétons, taxi cholos (les premiers vélo taxis que nous ayons vus au Pérou), moto taxis, voitures et mini camionnettes en tous genres. Des femmes en vêtements traditionnels vendent des fruits, des légumes, des en-cas en tous genres. Ici, les femmes ont de magnifiques chapeaux très colorés avec deux pompons arc-en-ciel dessus.
Nous n’avons pas vraiment visité Puno. Nous sommes passés par la Plaza de Armas un jour pour aller manger. Nous avons pris une photo, comme dans les autres villes où nous passons, devant le grand mot P U N O. Il y avait là un groupe de touristes de la région Cuzco, surtout des femmes, en vêtements traditionnels. Elles étaient émerveillées par nos filles aux cheveux blonds et aux yeux bleus et ont toutes voulu poser avec elles, chacune à son tour, devant le mot P U N O. Je vous mets quelques-unes de ces photos ci-dessous.
Les îles flottantes
Par contre, nous sommes allés visiter les fameuses Islas Uros, les îles flottantes faites de totora, des plantes style roseaux qui poussent au bord et dans le lac. Elles ne sont pas très éloignées de Puno : à 6 km environ. Nous y sommes allés en bateau avec Ricardo, un habitant de l’une des +/- 50 îles. Nous sommes partis du petit port qu’utilisent les habitants des Islas Uros et non de l’un des ports touristiques. Ricardo était super fier, car il venait d’installer un toit sur son bâteau. Et il allait tout bientôt ajouter des vitres. Chaque île a un nom. Ricardo nous a emmenés sur l’île appelée Corazon del Lago (le cœur du lac).
Fredy, le chef de cette île, qui parle français, nous a accueillis et nous a expliqué comment on fabrique les îles flottantes : d’abord, il faut aller découper (avec une énorme scie) plus loin dans le lac de grosses mottes de racines de totora, qui font environ 60-70 cm d’épaisseur. C’est la base de la future île. On découpe d’énormes mottes qu’on tire en bateau jusqu’à l’endroit où on veut construire son île. On arrime les mottes ensemble avec des cordes et on les attache à des poteaux plantés dans le fond du lac pour qu’elles ne dérivent pas. Puis, après être allé couper plein de totora, on l’empile sur les mottes : un couche dans un sens, puis une couche perpendiculaire, puis à nouveau dans le premier sens, jusqu’à avoir un mètre d’épaisseur de totora. Toutes les semaines, il faut rajouter une couche de totora et tous les mois on remet un mètre. Car elle pourrit petit à petit par en-dessous. Quand on marche sur les îles, c’est rigolo : on rebondit.
La vie aux Islas Uros
Les habitants des Islas Uros sont environ 2000. Ce ne sont plus les indiens Uros d’origine, qui ont fondé les îles pour échapper aux Incas. Les habitants actuels sont de culture Aymara, mais ils essayent de perpétuer la culture Uros, surtout à des fins touristiques. Ils vivent de pêche, de la récolte d’œufs de canards et autres oiseaux aquatiques, de chasse de ces mêmes oiseaux et de troc, mais aussi de l’artisanat et du tourisme. Les femmes brodent et les hommes fabriquent toutes sortes d’objets très jolis en totora. Il y a une école primaire sur l’une des îles, mais pas d’école secondaire. Les jeunes vont à l’école à Puno.
Yeny, la femme de Fredy, nous a montré ce qu’elle fabriquait : des coussins, des milieux de table en broderie. J’ai craqué pour un milieu de table très coloré sur fond noir. Un peu cher, j’avoue… Et on n’a pas beaucoup de place dans les bagages… Mais je sais que j’aimerai penser aux habitants des Islas Uros quand je serai de retour en Belgique. Fredy nous a dit que selon lui, dans quelques années, les îles seront toutes abandonnées. Le jeunes n’ont plus envie de mener cette vie basique et assez dure, et quittent de plus en plus les îles.
Pendant le confinement, les habitants des Islas Uros ont été totalement isolés du reste du monde (et même de Puno) pendant 7 mois ! Ils ont pris leurs bateaux et sont allés un peu plus loin dans le lac, là où il y a plus à manger. Ils ont vécu de la pêche, de la chasse et de la récolte d’œufs. Il fallait chercher à manger toute la journée, tous les jours, pour avoir assez. J’ai demandé à Fredy si c’était stressant. « Au début non, » m’a-t-il dit, « mais après un moment oui, parce que les enfants s’ennuyaient, il avaient envie de sucre ou de lait, mais on n’en avait pas. » « Mais, » a-t-il ajouté, « nous sommes très fiers car personne n’est mort ni même tombé gravement malade. On est tous restés en bonne santé. »
Les truites
La vie sur les Islas Uros est dure. Fredy, qui devait être un peu plus âgé que Nico et moi, avait 11 frères et sœurs, dont seulement 5 sont encore en vie. Surtout avant, cela arrivait que de petits enfants tombent dans l’eau et se noient. Il y a l’humidité, qui donne des pneumonies et des rhumatismes. La seule source d’argent pour acheter des médicaments, c’est le tourisme. Pour l’alimentation, ils fonctionnent avec un système de troc.
Il y a quelques années, des truites sont arrivées dans le lac, via des rivières boliviennes qui sont sorties de leur lit et ont débordé dans le lac. Les truites ne vivent pas dans des lacs, d’habitude, mais plutôt dans de l’eau vive. Ces truites ont commencé à constituer un réel danger pour toutes les sortes de petits poissons du lac Titicaca. Le papa de Fredy ramenait 20-30 kg de poisson en une nuit. Fredy ne dépasse pas les 2-3 kg, quand c’est un bon jour. À cause des truites. Alors oui, les truites se mangent aussi, mais pour les pêcher, il faut aller beaucoup plus loin, au milieu du lac.