Après les moments forts comme Choquequirao, la jungle amazonienne ou le Lac Titicaca, la Patagonie en camper van restera aussi dans les mémoires familiales. Le genre d’expérience qui nous marque pour, sans doute, très longtemps et qui intègre la mythologie familiale.

La route

Tout d’abord, la route. Il faut savoir que pour remonter la Patagonie comme nous l’avons fait, il n’y a pas 36 chemins. En fait, il y en a deux. La ruta tres (3), qui longe l’Atlantique et la ruta cuarenta (40), qui longe la cordillère des Andes. Comme notre intention après ce périple patagon est de rejoindre la côte et la péninsule Valdes, nous avons pris la route 40, côté montagne, donc. Avec quelques détours à l’Ouest et à l’Est pour quand même profiter de ce qu’il y a autour.

Il faut savoir que la ruta 40, en Argentine, c’est aussi mythique que la road 66 aux États-Unis. Et il y a de quoi être mythique ! En plus des paysages somptueux (voir plus bas), il y a l’aventure : dans le guide Lonely Planet, ils indiquent quand même que pour aller sur la ruta 40, il faut avoir de l’eau en suffisance, deux roues de secours et pouvoir se débrouiller tout seul car il n’y a évidemment pas de réseau GSM entre les villes. Quand on sait ça et qu’on aborde certains tronçons non-macadamisés (c’est-à-dire une route en (gros) cailloux), ça fait quand même un petit pincement au cœur, une petite inquiétude : « Est-ce qu’on arrivera de l’autre côté ? ». Même lors de la remise du camper van au propriétaire, à la fin de notre périple, il a demandé un peu étonné : « Et vous n’avez pas crevé ? »

L’instinct protecteur du père est donc mis à l’épreuve, même si on ne dit rien pour ne pas inquiéter. Et puis après quelques jours, on s’habitue aux cailloux, ou nids de poules et, sur certains tronçons (pas si rares), à une route parfaite !

Heureusement qu’il y a de bons tronçons, car cette route est fort utilisée, entre autre par tous (tous !) les camions chiliens qui vont à Punto Arenas ou Puerto Natales. En effet, ces deux villes chiliennes (et une grande région autour) ne sont accessibles qu’en bateau, en avion, ou… en passant par l’Argentine et la ruta 40.

L’itinéraire et le rythme en camper van

Notre itinéraire était, comme d’habitude, trop ambitieux au début. Nous espérions remonter la ruta 40 et faire un détour par la côte pour aller voir des dauphins ainsi qu’une forêt pétrifiée. Mais on aurait dû rouler tous les jours et ne jamais s’arrêter pour profiter, tout visiter au pas de course. On s’est donc rabattus sur la ruta 40 et ses détours (et puis on verra quand même une forêt pétrifiée, mais une autre). Si vous voulez l’itinéraire détaillé, je vous renvoie vers la page de notre itinéraire.

C’est un apprentissage pour nous : ne pas faire trop de kilomètres en un jour. Le camper van, ce n’est pas uniquement rouler. C’est aussi s’arrêter et profiter !

Le vent

Oui, parce que le vent n’est pas seulement un élément climatique, ici. Il fait partie de l’expérience patagonne. On ne compte plus le nombres de spots (endroits où dormir) où le fait d’être (ou de ne pas être) protégés du vent est le premier critère de choix.
Et en effet, il y en a du vent. À décorner les bœufs. Voire à décorner les œufs, ce qui est encore plus difficile, convenez-en. Conduire un mastodonte comme le nôtre avec un vent de côté n’est pas aisé. En Belgique, sur la E40 vers la mer, on pose négligemment la main sur le volant pour maintenir la trajectoire, ici en Patagonie, ce sont les deux mains crispées, et muscles des bras tendus, qui sont nécessaires durant toute la durée du trajet.
Sans parler des nuits. Malgré les deux pieds rétractables, à l’arrière du camper van, destinés à le stabiliser, il y a eu plusieurs nuits bien mouvementés, lorsque nous n’étions pas assez bien protégés (dont la première nuit, ce qui nous fit peur pour le reste du voyage). Ou cette fameuse nuit à Sarmiento, patelin perdu, où nous logions dans une prairie qui fût un jour un camping : c’était un soir de tempête (tempête de vent : il faisait beau !) avec vents à 70km/h et rafales à 95km/h. Autant dire que ça secouait, et les filles avaient peur qu’on se renverse ! Au point qu’en début de nuit, nous avons dû demander aux propriétaires de pouvoir se garer le long de leur maison pour s’abriter un peu mieux.

Le décor

Comme déjà évoqué, le décor est somptueux. Dès les premiers kilomètres, il nous a clairement rappelé l’Altiplano péruvien, mais en plus… plus… plus argentin : plus long, plus grand, plus bleu, plus désertique, plus chaud et plus bas (entre 200m et 500m d’altitude seulement). Dès le début de notre périple, c’est la steppe comme on l’imagine : désertique, avec quelques touffes d’herbes jaunes et beaucoup de cailloux. Et puis des centaines, que dis-je des milliers de guanacos (coucou Élisabeth, ma filleule, dont c’est le totem) et quelques nandous. Malheureusement, nous avons aussi vu énormément de guanacos morts accrochés et coincés sur les clôtures le long de la route (sur certains tronçons, c’était un guanaco accroché tous les 500m !). On en voyait régulièrement sauter au-dessus, mais visiblement, un bon nombre d’entre eux se coincent une patte entre deux fils et restent là, à se débattre, serrant encore plus les câbles sur leurs pattes. Et ils finissent pas mourir sur place, de faim, de soif et d’épuisement. De là, nous sont venues quelques questions :

  • pourquoi les Argentins s’embêtent-ils à installer des clôtures sur les milliers de kilomètres où il n’y a rien. Mais vraiment rien, à part des guanacos ?
  • combien de temps met un corps à se décomposer dans cette steppe immense ? Parce qu’on trouve des ossements (guanacos, mais aussi moutons et chevaux) partout. Soit ils en meurent tous les jours, soit ils mettent beaucoup de temps à se décomposer. Sans doute que l’air sec et chaud de la steppe (un peu comme un désert) conserve très bien les os.

Même si c’est évidemment triste, il faut avouer que ces squelettes omniprésents rajoutent à l’ambiance du décor…

Plus au Nord (après Sarmiento), par contre, la route se rapproche de la cordillère, vers l’Ouest, et le décor change donc pour devenir plus montagneux, avec des résineux, des vertes vallées et beaucoup plus de végétation. Pour vous donner une idée, cela nous a fait penser à l’Autriche ! Et partout, on trouve alors des cabañas à louer, des petits chalets et des routes serpentant dans la montagne et découvrant des lagunes bleu turquoise, bleu profond ou vertes. Mais on reste toujours dans le registre du somptueux.

Quelques photos valent mieux qu’un long discours pour le décor : voyez les photos plus bas.

La philosophie camper van

Pour nous, c’est une toute nouvelle philosophie de voyage et c’est une excellente découverte, en fait. On est un peu comme une tortue avec tout sur son dos. À part qu’on a un (très) gros moteur puissant et un 4×4. Donc on va où on veut. Ne croyez pas qu’il s’agit ici d’avoir un 4×4 pour traverser la forêt de Soignes. Ici, c’est effectivement utile : on a vu un tronçon où une voiture « normale » n’arrivait pas à passer, et plusieurs où on s’est demandés comment elles passeraient (mais on ne les a pas vues). Et quand une voiture normale peine à 30 km/h sur une route caillouteuse, nous on passe sans problème à 60km/h – ce qui, pour des distances de 200 ou 300km, n’est pas seulement un confort, mais bien une nécessité afin de tenir sur la durée.

Mais l’énorme apport du camper van, c’est évidemment la liberté. On s’arrête où on veut. Ici ou dans 500m ? Ou dans 10km ? Où-on-veut ! C’est assez grisant. On pourrait croire que c’était déjà ainsi depuis le début de notre voyage, puisque nous sommes des backpackers (voyageurs sac au dos). Mais nous sommes avec des enfants : pas question de commencer à chercher un lieu où dormir en arrivant dans une nouvelle ville. Il nous faut un peu de préparation et d’organisation. Par contre, avec le camper van, on retrouve cette liberté !

L’autre bon côté de ce type de voyage, c’est le fait de rencontrer d’autres voyageurs comme nous, sur un parking, dans un camping, sur un spot. Et de les recroiser 300km plus loin. De partager les expériences. De raconter son voyage. C’est exactement ce que nous avaient raconté, avant notre départ, les familles Gilbert (les « Aquandes ») et Pirard, qui nous avaient gentiment partagé leurs voyages en camper van en Amérique du Sud.

Si ces rencontres sont moins orientées vers les argentins locaux (quoique…), elles n’en sont pas moins riches, car les gens qui voyagent ainsi ont toujours des choses intéressantes à raconter, nous semble-t-il. Ainsi d’un français qui fait l’Argentine à vélo en solitaire (le fou), croisé un soir et dépassé le lendemain sur la route ; de cette famille d’Argentins en camper van à El Chalten, très heureux de nous renseigner les meilleurs spots de notre itinéraire ; du camionneur chilien dont le métier est de transporter des marchandises du Nord du Chili au Sud du Chili en passant la ruta 40 ; d’un couple de jeunes allemands marins qui parcourent l’Amérique du Sud dans leur voiture avec tente sur le toit, rencontrés dans un camping, revus dans la ville en partant, et recroisés 250km plus loin à une pompe à essence ; d’un couple franco-argentin qui visite l’Argentine à vélo (encore !) et qui du coup nous apprend pas mal de choses sur les Argentins ; de ce couple de Buenos Aires en voiture ravis de nous expliquer la meilleure route à prendre ; de cet habitant de Mendoza qui a converti son renault Kangoo en mini-camper van solitaire… Bref, encore de belles rencontres, un peu plus furtives, mais tout aussi passionnantes. Et curieusement, ce genre de rencontres se font moins dans le camping municipal que dans les coins un peu plus naturels et reculés 🙂

Et puis, nous avons quand même fréquenté pas mal d’Argentins aussi, puisque nous sommes allés dans leurs campings ! Une manière de découvrir que les parillas (grillades ou barbecue) sont sacro-saints au point d’avoir toujours un coin feu à chaque emplacement de camping. Les municipalités prévoient même des coins feu près des rivières ou dans les parcs pour les après-midis de weekend.

Ensuite, il est évident que tous les Argentins, jeunes et vieux, hommes et femmes, pauvres et riches, boivent du maté, dans leur bol à maté avec leur bombilla (paille, prononcez bombicha).

Qu’a-t-on encore découvert ? Que les Argentins sont très respectueux des autres. Ils se couchent tard, mais ne font pas de bruit. Et s’ils se lèvent avant nous, et bien on les entend pas !

Les problèmes du camper van

Oui, il y en a aussi.

Le premier, technique, c’était le problème de l’inverseur, censé convertir la tension 12V des batteries en 220V pour le frigo et la pompe du robinet. Mais ce truc n’a jamais fonctionné comme il fallait. Nous devions donc toujours couper le frigo dès qu’on ne roulait plus, ce qui, vous en conviendrez, n’est vraiment pas cool quand on transporte à manger pour cinq !

Et puis il y a le fait que c’était un premier essai en camper van. Et ce n’est pas le nôtre. Donc nos bagages de backpackers ne sont pas optimisés pour une vie en camper van et, de l’autre côté, le camper van n’était pas optimisé pour nous et nos habitudes. Par exemple, il y avait une (mini) toilette et une (mini) douche que nous n’avons jamais utilisées. Quelle place perdue ! Ainsi, nous devions, à chaque arrêt, déplacer tous nos bagages, stockés dans le camper van, vers les sièges de la voiture, pour qu’on puisse rentrer dans le camper van. Et inversement le matin avant de prendre la route !

Nos découvertes patagonnes

Mais après tout, le camper van, c’était pour nous l’occasion de découvrir la Patagonie, tout en se déplaçant sans bus, avions, ou taxis. Et qu’a-t-on découvert ? Voici les quelques moments patagons les plus forts en dehors de l’expérience camper van elle-même :

  • La magnifique sommet du Fitz Roy, à El Chalten, suivi d’une après-midi à jouer dans la rivière.
  • La cueva de las manos (la grotte des mains) : des peintures rupestres de 8500 ans représentant des nandous, des guanacos et, surtout, des mains faites en pochoir. Mention spéciale pour le bivouac fait près de la cueva. Un endroit désert, à plus d’une heure de route caillouteuse de toute habitation. Paysages somptueux, coucher de soleil aux couleurs impressionnantes, isolement et silence incroyable (sans vent, étonnamment !). Le tout agrémenté par la visite, le matin, d’un guanaco et deux nandous. Steph et moi en avons même profité de la nuit pour observer les étoiles et surtout la voie lactée dans un ciel parfaitement clair.
  • La plage de galets de Los Antiguos (capitale nationale de la cerise ! on en a profité !)
  • La cavalcade dans la pampa argentine, rêve de Lucie – et elle était seule sur son cheval et pouvait le conduire ! Une promenade de deux heures dans le décor enchanteur du Parque Nacional Patagonia, le long du Lago Buenos Aires. Parc où nous avons dormi juste après, d’ailleurs.
  • Le Bosque Petrificado, ou bois pétrifié : un ensemble de collines désertiques d’où sortent littéralement de terre des troncs d’arbres pétrifiés par un processus très particulier. Ce sont donc des troncs d’arbres d’il y a 65 millions d’années, transformés en pierre ! On voit dans les collines les différentes couches géologiques, dont celles sur laquelle ont marché les dinosaures…
  • Le camping au milieu d’une vigne, où nous avons dégusté le vin local au soleil.
  • Le Parque Nacional Los Alerces, où nous avons joyeusement escaladé des énormes rochers (où je me suis joyeusement cassé la figure) pour atteindre un lieu de pique-nique idyllique. Ce même parc où nous avons passé les trois dernières nuits en camper van, pour profiter de la plage sur le Lago Verde.

Que retient-on de cette aventure ?

Que le camper van et sa philosophie, ça nous convient bien ! Et les enfants adorent !
Au point qu’on s’est déjà dit qu’on aimerait développer notre camper van pour nos futures vacances en Europe. J’ai déjà commencé à noter toutes les idées intéressantes à retenir, ou, justement, à éviter 🙂
On rêve déjà de découvrir le Royaume-Uni (coucou Hil & Es), la Scandinavie, les pays de l’ex-Yougoslavie ou, plus simplement, de pouvoir facilement rendre visite à nos amis belges qui habitent loin (coucou les Fouchois ou les Gouvyons) lors d’un weekend.

Et puis maintenant, on sait comment on boit du maté et on s’est acheté nos bombillas.

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