Si vous prenez une carte et que vous regardez où se trouvent les chutes d’Iguazú, vous verrez que c’est tout au nord-est de l’Argentine, dans un petit coin entre le Brésil et le Paraguay.

Les chutes sont spectaculaires, presque incontournables. Mais ça fait mal de faire tout le trajet jusque là rien que pour ça. Alors déjà, on avait décidé de rester plus longtemps que deux jours. De profiter un peu du coin. Puis Nico a eu une idée encore meilleure : et si on profitait d’être là pour découvrir un parc naturel assez proche, mais pas fort connu ?

Los Esteros del Iberá. Esteros, marais en espagnol. Et Iberá, qui vient du guarani (la langue des populations autochtones) « yvera », eau resplendissante. Les marais de l’eau resplendissante, donc. Ça donne envie ! D’autant plus que ces marais grouillent d’une faune bien spéciale : cerfs des marais, capybaras (le plus grand rongeur au monde), caïmans et des dizaines d’espèces d’oiseaux.

Voilà donc qu’après quatre jours à Iguazú, nous louons un pickup 4×4 pour nous rendre en deux jours de route à Colonia Carlos Pellegrini, un grand village au bord d’une des lagunes de l’immense réserve naturelle (1.300.000 hectares, quand même, soit plus d’un tiers de la Belgique !) Aller à Colonia Carlos Pellegrini, rien que ça, c’est déjà une aventure. Les premières centaines de kilomètres se font sur une route normale, une nationale comme chez nous, bordée de quantité de plantations de pins et d’eucalyptus. L’exploitation forestière semble être une importante source de revenus ici. Les paysages ne sont pas sauvages, mais sculptés par l’homme, si bien que par moments on se croirait même en Ardenne.

Pour parcourir les derniers 137 km, on bifurque sur la RP 41, une route provinciale en gravier/sable rouge/grosses pierres en fonction des sections. Plutôt des grosses pierres que du sable ou du gravier d’ailleurs. Bien plus compliquée selon nous que la mythique ruta 40, qui a pourtant une réputation de route difficile. Au fur et à mesure que nous parcourons la RP 41, le paysage devient plus varié. Il y a encore des plantations d’arbres, mais aussi de plus en plus de prairies avec, parfois, des vaches ou des chevaux. Les termitières y remplacent nos taupinières.

Un peu avant la moitié des 137 km, on s’est rendu compte qu’on avait crevé un pneu. La jante était déjà pas mal abîmée. Il faisait extrêmement chaud. Et pas un coin d’ombre à l’horizon. Je me suis dit qu’on risquait d’en avoir pour des heures. Heureusement, on avait beaucoup d’eau. On a commencé par chercher le cric et comment défaire la roue de secours qui se trouvait sous la voiture. L’employé de l’entreprise de location avait omis de nous dire où se trouvaient les outils. Nous étions encore en train de chercher quand on a vu un autre pickup arriver dans l’autre sens. Je lui ai fait signe et il s’est arrêté. À bord, un guide, Rafa, et un couple de touristes de Buenos Aires, Veronica et Fabian. Rafa a vite fait de trouver le cric, caché derrière le dossier du siège arrière (et non pas en-dessous du siège, comme dans le camper van !), et la barre pour détacher la roue de secours. Il nous a aidé à changer la roue et en une demi-heure à peine, c’était bouclé ! Ouf ! Car il nous restait plus de 50 km à rouler, plus prudemment et plus lentement encore qu’au début.

La toute dernière partie de la route a été magnifique, sous le soleil doré du soir. Les arbres et les palmiers en ombre chinoise devant un ciel orange. Sur la balustrade d’un petit pont passant au-dessus d’une rivière, j’ai vu un beau grand martin pêcheur. Nico, qui conduisait, s’est arrêté pour prendre une photo. Le martin pêcheur s’est envolé, zut. Je suis sortie de la voiture pour voir si je pouvais l’apercevoir dans les buissons. Éline, qui était sortie aussi, s’est écriée, en se penchant au-dessus de la balustrade du pont : « Un caïman, venez voir ! » La rivière nous a fait cadeau d’un, deux, trois caïmans ! Et un capybara dans les fourrés. Et le martin pêcheur, qui est revenu se poser bien en évidence sur une branche près de son nid. Et deux autres oiseaux à longues pattes avec un ventre bleu-gris (des râles ypécaha), près d’un troupeau de chèvres traversant la route en pierres. On était surexcités, on ne savait plus où regarder. Ça valait bien la route difficile et le pneu crevé !

Peu après, nous sommes arrivés à Colonia Carlos Pellegrini, grand village aux larges rues de terre et aux maisons de plein pied dans de grands jardins. Notre logement, nommé Posada Rancho Jabirú, se trouvait au milieu d’un jardin tropical foisonnant, avec une petite mare aux nénuphars et un va-et-vient continu d’oiseaux. Nous avons mangé tous nos repas au resto attenant à la posada, sur la terrasse couverte donnant sur le jardin. Le rêve ! Le soir, d’énormes crapauds venaient se nourrir des insectes attirés par les lampes de la terrasse.

Le lendemain de notre arrivée, nous avons eu la journée la plus chaude de notre vie. Le matin, à l’ombre, il faisait 42°C. L’après-midi, on ne sait pas, mais la température a bien dû monter jusque 45°C à l’ombre. Minimum. Nico, le pauvre, avait de nouveau une otite et est resté plus longtemps au lit. Avec les filles, nous avons passé une matinée torride mais très chouette sur la terrasse couverte du resto de notre posada. Mathématiques, quelques courts métrages sur youtube, dessin. À midi, nous avons tous mangé une salade, comme la veille au soir. Que manger d’autre quand il fait si chaud ? À chaque repas, nous vidions deux bouteilles d’un litre et demi d’eau bien froide. En début d’après-midi, les louloutes ont joué dans leur chambre (avec air co !!!) sur leurs tablettes et quand la piscine a enfin été à l’ombre, on a tous plongé dedans ! Nos corps nous ont remercié de pouvoir enfin se refroidir un peu.

Le lendemain matin, il faisait couvert, et donc plus frais, ouf ! Dans la matinée, nous avons eu droit à une douche tropicale bien digne de ce nom. En un rien de temps, le jardin était inondé. Et en un rien de temps, dès que la pluie a cessé, l’eau est entrée dans le sol sablonneux. Ce jour-là, un lundi, nous sommes allés à la gomería (mécano spécialisé en roues, pneus, et autres…) pour faire réparer notre jante et changer le pneu. Nous avons fait un tour dans le village, et avons emprunté le long pont traversant la lagune pour aller voir l’entrée de la réserve naturelle. Nous avons payé nos entrées, reçu de magnifiques bracelets en plastique orange comme tous les autres touristes et nous y avons fait une petite promenade en fin d’après-midi. Nous avons entendu des singes, mais ne les avons pas vus.

Le lendemain, une promenade plus longue dans la matinée et un tour en barque sur la lagune l’après-midi. On a encore eu droit à de belles rencontres avec des animaux ! Vous verrez dans les photos.

Ma conclusion est : merci Nico pour l’idée de cette petite aventure hors sentiers battus ! En chemin, nous avons rencontré des paysages magnifiques, des animaux, des personnes attachantes. Et nous avons croisé à deux reprises la route de la famille Zapp, une famille de Buenos Aires qui parcourt le monde (!) dans leur vieille voiture de 1928 (!) depuis 22 ans (!). Ils ont maintenant 4 enfants (!), un chat et un chien et rentrent dans 2 mois chez eux, à la maison à Buenos Aires. Fin du voyage et début d’une autre vie. Ils nous ont chaleureusement invités à passer leur dire bonjour quand nous serons de nouveau dans la capitale. J’espère qu’on en aura l’occasion ! Candelaria et Herman sont riches de toutes les rencontres qu’ils ont faites au cours de leur voyage. Ils nous l’ont dit : ils sont partis pour découvrir des paysages, mais au final, ce sont surtout des gens merveilleux qu’ils ont croisés. Dans absolument tous les pays où ils sont allés.

Plus d’infos sur cette famille hors du commun. Candelaria et Herman ont écrit un livre, traduit en français : « Attrape ton rêve« .

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