L’Uruguay est un petit pays peu recommandé mais fort recommandable. Nous y sommes venus pour différentes raisons, mais avec deux objectifs : découvrir la vie en estancia (et donc voir des gauchos) ainsi que se poser du côté de Cabo Polonio, sur la côte Atlantique.
Certes, un petit pays, mais quand même 5 à 6 fois plus grand que la Belgique… Il fallait donc prévoir des étapes entre nos deux points d’intérêt ! Forts de notre expérience argentine, nous avons loué une voiture pour un mois et en avons profité pour découvrir deux-trois endroits sur le chemin…
Colonia del Sacramento
Colonia, c’est la ville où on arrive en ferry depuis Buenos Aires. On vous a déjà parlé de ses vieilles voitures, mais l’ambiance de cette petite ville est à peu près indescriptible : il y règne un calme et une paix très agréables. Non pas que cette ville soit morte ou peu fréquentée ; non, il y a du monde ! Mais c’est calme. Dans le centre historique, sur une péninsule au sein de l’estuaire du Rio de la Plata, les petites rues pavées (décorées de vieilles voitures, donc) descendent de tous côtés en pente douce vers l’eau. On y observe au loin, au soleil couchant, les gratte-ciels de Buenos Aires. Alors que, depuis Buenos Aires, on ne distingue rien de cette petite ville dont les plus hauts bâtiments font deux étages. Comme c’est une ville très ancienne – 1680, la plus ancienne d’Uruguay – on y trouve de belles maisons avec du caractère.
Le tout peuplé de petits restos, de glaciers et de petits magasins. Bref, un plaisir. Nous y sommes restés cinq jours et nous y sommes revenus avec grand plaisir avant de retourner en Argentine. Ben oui, le ferry part de Colonia.
Fray Bentos
Nous sommes ensuite à allés à Fray Bentos, ville au nom bizarre qui ne vous évoque sans doute rien si vous n’êtes pas anglais. En effet, en Angleterre, Fray Bentos était une marque de corned beef. Et pour cause ! En fait, Fray Bentos fût pendant longtemps une ville-usine qui se targuait d’être la cuisine du monde : avec près de 2.000 bovins (!!) abattus par jour, ils exportaient vers le monde entier des quantités astronomiques de produits transformés à base de viande. C’est eux qui alimentaient les militaires durant la grande guerre (dont le corned beef « Fray Bentos » anglais). C’est eux qui produisaient le fameux bouillon de viande du docteur Liebig et le bouillon Oxo (marques encore connues chez nous). Et la Belgique, grande puissance industrielle du XIXe siècle (si, si, ne riez pas), était l’un des principaux clients, entre autres parce que le centre logistique mondial de l’entreprise était… Anvers.
L’usine est aujourd’hui transformée en musée de la révolution industrielle et celui-ci est, étonnamment, très intéressant. L’occasion pour nos enfants d’en apprendre plus sur cette époque pas si lointaine et, finalement, pas si différente. Au-delà de la question éthique d’un abattage animal aussi massif, notons quand même qu’ils mettaient un point d’honneur à ne rien gaspiller. Tout était utilisé et transformé : viande, os, peau, graisse, plumes (non, il n’y avait pas que des bovins…), …
Comble de l’intérêt, il y avait une surprise qui m’attendait dans la casa grande, l’ancienne maison du directeur d’usine. Une salle entièrement dédiée à Baden-Powell, fondateur du scoutisme, qui avait séjourné trois jours dans cette maison en 1909. Je ne m’attendais pas à suivre la trace de Baden-Powell en Uruguay !
Les thermes de Dayman à Salto
Ensuite, nous sommes allés à Salto, centre thermal. Plusieurs sources sont connues, là-bas, dont celle de Dayman, où nous sommes allés. Il se trouve que, vu le monde qu’il y avait aux thermes proprement dits et au parc d’attraction aquatique adjacent, nous sommes restés simplement dans le petit bungalow que nous avons loué, à côté duquel il y avait quatre piscines où l’on pouvait barboter. Et les enfants s’en sont donné à cœur joie pendant notre journée sur place !
Melo, la ville perdue
Après, nous sommes allés à l’estancia Bichadero, dans la région de Tacuarembó, mais cela fait l’objet d’un autre article. En quittant l’estancia, nous sommes allés à Melo, petite ville perdue dont le seul intérêt était d’être à peu près à mi-chemin entre l’estancia et l’étape d’après, sur la côte.
Et en effet, si Colonia, Fray Bentos ou Salto sont mentionnés dans les guides, Melo ne l’est pas et on comprend pourquoi. En plus, le logement que j’avais trouvé était moche, dans le seul quartier moche de la ville.
En se baladant en ville, nous avons quand même été positivement surpris. La ville est agréable, et, de plus, nous avons découvert la esquina del tango, le « coin du tango », où plein de gens (mais surtout des vieux), étaient assis sur des chaises pliantes pour observer les quelques danseurs qui bougeaient au rythme de la musique plus ou moins tango. Les plus âgés étaient endimanchés avec chapeau, cravate et petit gilet de danseur. Une tranche de vie éminemment typique de ce coin d’Amérique du Sud qui vit, encore et toujours, avec le tango dans le sang. Évidemment, l’énorme majorité des spectateurs avaient un bol de maté à la main. 🙂
Barra de Valizas
Après Melo et son tango, nous voulions faire arrêt près de Cabo Polonio, tout petit village réputé pour sa belle côte sauvage et sa colonie de lions de mer. Avec un objectif clair : s’arrêter et se reposer une dizaine de jours. Notre choix s’est porté sur Barra de Valizas, petit village perdu sur la côte, à 8 km de Cabo Polonio.
Barra de Valizas a tout ce qu’il faut pour nous plaire. Un petit village hippie (toutes les maisons et échoppes sont en bois, peintes à la main et très colorées) avec le mini-supermarché à moins de 100 m, la belle plage à 200 m et une petite maison avec jardin.
Pour ceux qui connaissent Westende, sur la côte belge, sachez qu’on y trouve une même ambiance de ville délaissée par les touristes hors saison (nous sommes début de l’automne, ici) : les restos et bars sont presque tous fermés et les gens du coin (avec dreadlocks, pantalons larges bigarrés et piercing dans le nez) se retrouvent tous au seul établissement ouvert. Si on trouve aussi le même genre de plage et de mer (c’est l’Atlantique) qu’à Westende, la ressemblance s’arrête toutefois là, puisqu’ici, à défaut de digue et d’immeubles de 10 étages (summum de l’aberration urbanistique), on trouve des cahutes ou des petites maisons sans étages dans les dunes en bordure de plage, ou le long des rues en gravier.
Bref, parfait pour se reposer et prendre un peu de temps. Aussi pour faire un peu d’école sérieusement ainsi que, pour moi, travailler un jour sur deux pour compenser les semaines où je ne travaille pas.
Mais, comme on l’a dit, Barra de Valizas, c’est aussi à côté de Cabo Polonio, petit village conseillé dans les guides. Nous y sommes donc allés. Et nous sommes allés de surprise en surprise. Tout d’abord, on ne pouvait pas aller au village en voiture. Le village se trouve dans un parc national et les véhicules sont interdits. Nous nous sommes donc garés à l’entrée des visiteurs et avons pris… un camion 4×4 prévu pour transporter une trentaine de passagers. Nous avons eu la chance, en plus, d’avoir à l’aller comme au retour les places sur le toit ! Ambiance et vue garanties. Et il fallait bien un 4×4 pour arriver au village de Cabo Polonio : nous avons traversé quelques kilomètres de dunes de sable, au milieu d’une magnifique végétation (avec beaucoup de conures veuves).
Arrivées à Cabo Polonio, c’est le plaisir de découvrir un village, au moins aussi hippie que Barra de Valizas, mais sans véhicules : quelques routes et chemins de sable, des cahutes de bois décorées de toutes les couleurs, un grand phare. Bref, très joli. Nous en avons profité pour aller, par la côte, jusqu’à la loberia, voir les lobos marinos, les lions de mer. On en a vu beaucoup (c’est la plus grande colonie d’Uruguay) de loin et de près.
Montevideo
Avant d’arriver à Montevideo, sur la route, nous avons fait un petit détour vers Punta del Este, sur la côte, pour manger, mais aussi pour voir cette fameuse ville où beaucoup d’Uruguayens nous conseillaient d’aller. Le temps d’un repas, nous avons donc découvert cette grande ville : beaucoup d’énormes immeubles, des gens chics (espadrilles, chemise blanche et pantalon de lin), des joggeurs bien équipés, les seules Porsche et Land Rover rutilantes du pays, … Le Knokke-le-Zoute d’Uruguay, quoi. On a bien fait de choisir plutôt la nature de Barra de Valizas.
Montevideo, quant à elle, c’est la vraie étape entre Barra de Valizas et notre retour à Colonia. Nous ne cherchons pas spécialement à visiter des villes, mais, bon… c’est quand même la capitale. Alors on s’est dit qu’on pouvait y passer deux nuits.
On a bien fait. En une journée complète sur place, on a vu toute la vieille ville et ce qu’il y avait à voir (les musées étaient fermés). Ambiance sympathique, mais pas aussi charmant qu’à Colonia. Et c’était aussi l’occasion pour moi de rencontrer un collègue en mission, qui m’a expliqué les tenants et aboutissants d’un projet ferroviaire qui pourrait se développer ici.
Vota si o Vota no?
Je ne peux pas terminer cet article sans parler du referendum qui a eu lieu ce 27 mars en Uruguay. Un référendum sur le fait d’annuler (vota si!) ou de garder (vota no!) 135 articles de la LUC. Qu’est-ce que la LUC et que sont ces 135 articles, apparemment peu de monde était capable de nous répondre. Mais on a cherché : la LUC, c’est une loi de considération urgente (Ley de Urgente Consideracion) votée en 2020. Si ça vous intéresse, ce référendum possède sa propre page wikipedia (en espagnol).
Mais ce qui était très rigolo, c’est que partout dans le pays, il y avait des affiches Vota Si! ou Vota No! et cela nous permettait de savoir dans quel quartier on était. Sans connaître le contenu des 135 articles mentionnés, nous avons en effet compris que les tenants du « Vota Si« , aux affiches colorées en rose ou arc-en-ciel, étaient clairement les progressistes avec leurs messages pour la liberté, la protection de la vie privée et des institutions publiques. Alors que le camp du « Vota No« , de couleur bleu uniforme étaient clairement les conservateurs, qui soutiennent la police, la sécurité et les facilités données aux entreprises.
Ainsi, à Barra de Valizas ou Cabo Polonio, hippies, on n’a pas vu un seul « Vota no« . Et à Punta del Este, pas un seul « Vota si« . Caricatural, on vous dit. Et pour info, le « Vota No » a gagné.